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Maîtrisez l’ambiance olfactive

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Maîtrisez l’ambiance olfactive

Les odeurs sont directement analysées par notre cerveau reptilien et dictent à notre insu une grande partie de nos comportements impulsifs. Contrôler les odeurs de son cabinet dentaire, c’est mettre les patients dans les meilleures conditions pour améliorer leur santé bucco-dentaire.

>En passant devant une boulangerie qui exhale sciemment des senteurs de croissants chauds, qui n’a jamais ressenti l’irrésistible besoin d’en franchir le seuil et de satisfaire cet appétit soudain ? L’odeur est émotionnellement le stimulus sensoriel le plus puissant agissant sur l’homme, en cela qu’il est directement relié à notre paléocortex, notre cerveau reptilien. C’est lui qui commande nos instincts les plus primitifs, celui de la survie de l’individu par exemple, de la faim, ou de la peur (voire encadré). L’odeur caractéristique d’un cabinet dentaire, tout le monde s’accordera à le dire, est celle du clou de girofle. Jadis traumatisé par un confrère, un patient adulte qui « sent » les émanations d’eugénol, « ressent » simultanément ses mêmes terreurs enfantines. Il ne lui restera alors que trois « réponses-réflexes » : la fuite, l’inhibition ou l’agressivité. Difficile dans ces conditions d’espérer toute fin heureuse à une proposition de plan de traitement. D’ailleurs, des expériences scientifiques vont plus loin dans l’étude de l’influence des odeurs sur notre comportement de consommateurs.

Quand l’odeur dicte nos actes

Le Professeur Nicolas Guéguen, chercheur en sciences du comportement à l’Université de Bretagne-Sud, a mené l’expérience suivante : on diffuse à l’entrée d’une superette[1] des odeurs de poulet rôti, puis des odeurs de chocolat fondu. Les observations qui en résultent sont édifiantes. Influencés par l’odeur de poulet, 85 % des clients se dirigent d’abord vers le rayon de produits salés, tandis que 75 % des clients soumis aux émanations du chocolat se dirigent en premier lieu vers les produits sucrés. Quand il n’y a pas d’odeur, c’est du 50/50 ! De plus, le taux d’achat montre que les « soumis au poulet » ont acheté plus de produits salés, mais autant de produits sucrés que les clients habituels. Idem pour les « soumis du chocolat », qui dépenseront plus en produits sucrés, mais toujours autant de salés que les « clients sans odeur ». L’odeur a bien un impact sur le consommateur que nous sommes. Autre expérience du même Professeur Guéguen[2], mais tout aussi significative. On ventile dans un même restaurant, pendant des périodes données, des senteurs de lavande (reconnue pour leur effet relaxant), puis des odeurs de citron (connues pour leur effet excitant), et enfin pas d’odeur du tout. Il en résulte que lors des soirées citronnées, les clients stimulés et enhardis, restent 15 minutes de plus et dépensent en moyenne entre 3 et 4 euros supplémentaires par tête. En revanche, sous l’effet soporifique de la lavande, les clients dépensent moins et quittent plus vite les lieux (le repas dure 89 min en moyenne, contre 91 min les soirs sans odeur et 105 min les soirs citronnés). Face à cette réalité neurologique, les chirurgiens-dentistes ont trois approches différentes de leur gestion des odeurs.

Négligeance

Tout le monde a en mémoire olfactive les fameux cabinets « parfumés » à l’eugénol. D’autres situations sont tout aussi gênantes. Les odeurs résiduelles du déjeuner, par exemple, jurent littéralement dans un milieu clinique. On ne s’y attend pas. Cela peut déstabiliser le patient et met à mal sa confiance quant à l’asepsie du cabinet. On imagine alors les instruments sales mélangés à la vaisselle du jour : rien de très rassurant donc… Idem pour l’utilisation de la javel dans toutes les zones du cabinet. Si les émanations d’hypochlorite de sodium, sont bien dans l’inconscient collectif synonyme de propreté, elles restent fortement liées à la seule zone des toilettes, privées ou publiques. Ce qui est censé générer une atmosphère épurée et parfaitement aseptisée, ravive en fait la mémoire olfactive des lieux d’aisance. À ce propos, une bombe désodorisante dans les W-C ne doit pas être omise. Il en va du respect de chacun : patients, employés et praticien.

Maladresse

Mais les adeptes des produits nettoyants et fortement odorisés ne produisent pas de meilleurs effets. Dans le but d’éradiquer toutes mauvaises odeurs, il est fréquent de les maquiller par une superposition de strates olfactives. Le bouquet en est souvent désagréable, aux antipodes de l’objectif initial. Il est conseillé de privilégier des produits nettoyants inodores, mais s’ils doivent absolument être parfumés, il faut éviter les produits « premiers prix » des grandes surfaces. Ces derniers dégagent une odeur chimique (coûts réduits obligent) des plus tenaces qui oppresse et stagne dans l’air. Les apprentis sorciers de l’odeur s’échinent à créer des atmosphères olfactives singulières, souvent exotiques, parfois déroutantes, pour surprendre leur patient. Si l’intention est louable, elle n’est pas adaptée au milieu médical. Des bouquets de parfums réussis de goyaves et de fruits de la passion peuvent bien transporter vos patients vers des ailleurs délicieux, comme des plages exotiques ou des forêts paradisiaques. Peu importe ! Ce sera toujours trop loin du territoire qui nous intéresse, en l’occurrence, la santé, la sécurité, l’exigence…

Maîtrise

Dès lors que la « carte olfactive » du cabinet a été neutralisée, par une ventilation idoine et l’utilisation de produits nettoyants inodores, il est possible de créer sa « signature olfactive ». C’est le cas du Dr Harold King, praticien anglais qui exerce à Marseille. Ce dernier s’est inspiré de l’approche managériale d’un célèbre confrère australien, Patrick Lund (voir encadré). Harold a profité du cadre particulier de son environnement professionnel pour créer une ambiance détendue, propice à la relaxation de ses patients. « Mon cabinet bénéficie d’un calme absolu, avec un jardin privatif et de grandes baies vitrées, surprenant au regard des turbulences de la rue. Le matin, des odeurs de café fraîchement préparé et de petits pains encore au four accueillent mes patients pour leur plus grand plaisir. Et de leur propre chef, nombre d’entre eux viennent un peu avant leur rendez-vous pour profiter de ce moment de détente. » Son autre technique est d’utiliser des diffuseurs d’huiles essentielles, « Ce sont des senteurs naturelles qui ont la propriété de s’élever dans l’air, mais de rapidement disparaître. » Le bureau de communication est ainsi parfumé à la verveine exotique, « légèrement citronnée, elle stimule les patients et elle est propice à la discussion. » Les salles de soins sont teintées d’orange douce et de cannelle « dont l’effet relaxant calme les natures angoissées ».

Conseils

Évitez en revanche, les parfums trop boisés, comme le cèdre, qui alourdissent l’atmosphère. Pour commencer, vos repères les plus fiables sont votre équipe et vous-même. Si les odeurs sont agréables pour les personnes qui travaillent au quotidien dans le cabinet, il y a de fortes chances qu’elles soient appréciées des patients. En revanche créer des zones olfactives distinctes dans un cabinet est possible à condition que la surface le permette. Il est toutefois recommandé de teinter son cabinet d’une seule et même odeur, légère et positivement reconnaissable.

Instinct primaire

Paul Donald Mac Lean, chercheur américain du début du XXe siècle est le père de la théorie des trois cerveaux humains, à savoir : le cerveau reptilien (ou paléo cortex), le cerveau limbique (ou mammifère) et le néocortex (notre calotte pensante). Le premier retiendra notre attention. Le paléo cortex correspond au rhinencéphale, c’est-à-dire aux zones olfactives. Il est le siège de nos instincts primaires, celui de la reproduction et de la survie de l’espèce, mais aussi de la faim, la soif, la colère et … celui de nos peurs. Il privilégie l’odorat à tout autre stimulus sensoriel, comme la vue ou l’ouïe. Pourquoi ? Il faut se représenter le thalamus, au niveau du néocortex, comme un mini « standard téléphonique », vers lequel convergent toutes les informations sensitives et sensorielles, à l’exception de l’odorat. Ce dernier est directement connecté au cortex olfactif et emploie la « voie directe » limbique-cortex par une chaîne de deux neurones seulement. Ce cerveau primitif entraîne des comportements stéréotypés, préprogrammés : une même situation, un même stimulus, provoque toujours la même réponse immédiate, comme un réflexe instinctif. La fameuse madeleine de Proust.

Odeurs corporelles

Attention aux odeurs corporelles de l’équipe dentaire. Doit-on évoquer les conséquences sur la confiance du patient quand le praticien a une mauvaise halène ? Moins impliquant, mais tout aussi nocif pour l’image, les odeurs de « dessous de bras ». En effet, les aisselles du praticien et de son assistante sont juste à la hauteur du visage du patient. Et c’est encore plus évident lors du réglage du scialytique ou de la préhension des instruments de l’autre côté du fauteuil (la turbine pour l’assistante, l’aspirateur buccal pour le praticien). Les déodorants ne font que masquer, voire exacerber, ces odeurs, quand elles ne les exaltent pas en effluves inquiétants. Attention aussi à certains médicaments comme les antidépresseurs qui produisent une odeur souvent forte et désagréable.

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